Comment aider mon ado autiste à bien utiliser les technologies et le web?

Publié le 22 juin 2018 Famille et enfants

Comment aider mon ado autiste à bien utiliser les technologies et le web?

Marie-Hélène poulinPar Marie-Hélène Poulin Ph.D. Ps.Éd. chercheuse régulière à notre Institut universitaire en DI et en TSAet qui a présenté une conférence sur cette thématique lors du 20e Rendez-vous de l'Institut le 14 juin dernier.

Les adolescents autistes utilisent différemment les outils technologiques. En général, ils préfèrent regarder la télévision, des vidéos ou jouer à des jeux vidéo seuls. Ils utilisent moins l’Internet, le clavardage et les courriels que les jeunes au développement typique, qui ont un trouble du langage, une déficience intellectuelle ou un trouble d’apprentissage[1].

Les jeunes autistes ne seraient pas plus à risque de développer une utilisation compulsive que les autres jeunes[2]. Concernant les jeux multijoueurs en ligne, les jeunes adultes autistes rapportent que ces jeux leur permettent de se sentir moins seuls. Ceux-ci sont pourtant moins enclins à passer du temps à ces jeux en ligne comparativement aux jeunes sans autisme[3].

Les risques liés à l’utilisation de l’Internet par les jeunes autistes

Bien des parents craignent que leurs enfants ne soient dépendants des outils technologiques ou ne se fassent intimidés sur les réseaux sociaux en ligne. Il est bien connu que les autistes (aussi) ont un intérêt très marqué pour les technologies informatiques, mais qu’ils ont des vulnérabilités que nous devons considérer pour qu’ils puissent utiliser ces outils au même titre que les autres jeunes. 

Un accompagnement éducatif et chaleureux peut rendre cette utilisation équitable. La recherche démontre que les jeunes autistes sont moins nombreux à avoir accès à un cellulaire, car les parents craignent que cet outil nuise à leurs apprentissages scolaires, à leur socialisation ou simplement par surprotection. Pourtant, ce geste ne fait que les rendre encore plus différents des autres adolescents et les empêche d’utiliser les moyens que les jeunes en général privilégient pour communiquer, se divertir et s’informer.

Il est important de savoir que le facteur de protection le plus puissant entre la cybervictimisation et la dépression chez les adolescents qui ont un trouble du spectre de l'autisme (TSA) est le soutien perçu des parents et des enseignants[4].

Avec de l’accompagnement, les jeunes qui présentent un TSA peuvent utiliser les outils et le web de façon responsable et devenir d’excellents internautes. Savoir bien utiliser les outils technologiques et le numérique, comprendre leur fonctionnement et pouvoir créer du contenu correctement sont des compétences essentielles de nos jours[5]. Les personnes qui présentent un TSA doivent aussi pouvoir bénéficier des avantages indéniables de ces outils.

Les avantages liés à l’utilisation de l’Internet par les jeunes autistes

Des chercheurs ont démontré que les adolescents présentant un TSA peuvent développer des relations d’amitié de qualité sur les réseaux sociaux[6]. Comme la communication par ces canaux ne demandent pas d’interpréter les indices non-verbaux (représentés par des émoticônes souvent) et qu’elle peut se faire en différé (ils ont donc le temps de bien comprendre la question et de préparer leur réponse) sont des atouts pour eux.

Les précautions à prendre et les outils disponibles

Il n’est pas nécessaire d’être aussi habile que son adolescent à naviguer sur le web pour lui offrir un encadrement de qualité. 

Comme dans d’autres sphères des responsabilités parentales, le meilleur moyen est d’être disponible et ouvert à la communication. Ces deux qualités permettront des échanges sincères et constructifs. D’excellents guides éducatifs bien vulgarisés pour les parents sont disponibles sur le web:

Il existe aussi un site financé par le gouvernement du Québec qui présente simplement les différentes lois qui encadrent les activités en ligne ( http://www.droitsurinternet.ca/) ainsi que les différentes fonctions possibles. L’important pour les jeunes autistes est de rendre l’implicite (les règles sociales qui régissent aussi les comportements en ligne, les lois invisibles comme le téléchargement de films ou de musique sans indices visuels à l’écran lorsque c’est illégal, etc.) explicite (leur expliquer concrètement comment vérifier la légalité des actions en ligne ou ce qui est acceptable socialement comme action ou réaction) et surtout, leur enseigner à demander de l’aide à une personne de confiance (parent, enseignant, frère, sœur, oncle, grand-parent, tuteur, éducateur) s’ils ont des doutes.

Surtout, il faut éviter de retirer les outils technologiques comme conséquence, surtout le téléphone intelligent. Le jeune a besoin de ces outils et de sa connexion pour maintenir une interaction avec les autres et pour se tenir informé. De plus, si un problème se présente et que le jeune craint cette conséquence, il risque de ne pas demander de l’aide à un adulte responsable. Pourtant, c’est ce qu’on souhaite lorsqu’il vit une situation qu’il ne comprend pas ou qui le perturbe. Surtout, si vous désirez installer un outil de contrôle parental, faites-le en toute transparence en nommant vos inquiétudes et en négociant AVEC votre enfant les conditions d’utilisation. On leur apprend que ce qui relève du privé doit rester privé (et non devenir un statut sur Facebook par exemple) et les informations auxquelles nous aurions accès en installant un contrôle parental à son insu sont privées. Cette action serait donc en contradiction avec nos enseignements, ce qui est vraiment contrariant pour les autistes particulièrement qui tiennent à ce que les règles soient respectées telles qu’elles sont et … avec raison.

L’important : la communication et le temps passé ensemble

Demandez à votre jeune ce qu’il fait sur son téléphone, son ordinateur ou sa console de jeu. Intéressez-vous à ces activités en les regardant avec lui. Par exemple, demandez-lui de vous montrer quelques vidéos qui l’intéressent en ce moment ou de vous présenter les avatars des amis avec qui il joue en ligne en plus de vous parler d’eux (pays d’origine, âge, compétences au jeu, etc.). Bien sûr, ces échanges doivent prendre la forme d’une discussion intéressée plutôt que d’un interrogatoire!

Marie-Hélène Poulin Ph.D. Ps.Éd.
Chercheuse régulière à l'Institut universitaire en DI et en TSA 
Professeure agrégée au Département des sciences du développement humain et social
Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue


Références:
[1] Mazurek, Shattuck, Wagner et Cooper, 2012; Mazurek et Wenstrup. 2013
[2] Shane-Simpson et al., 2016
[3] Sundberg, 2018; Mazurek et Wenstrup, 2013
[4] Alhabody, Al-Khateeb, Barnes et Short, 2016; Wright, 2017; Wright, 2018
[5] Habilo Medias, 2018
[6] Van Shalkwyk et al., 2017; Mazurek et Wenstrup, 2013